Livré…
Quelles sont vos réactions en découvrant ce mot au fil de la passion ? Vous laisse-t-il saisis devant ce qu’il
évoque : Un homme trimbalé d’une instance à une autre comme une
marchandise ? « Livré », ce mot ne dit-il pas l’essentiel de ce qui vit le
Christ sur le chemin de Pâques ? Jésus en est conscient : il va être
livré ! En pleine connaissance, il va se laisser faire sans jamais
regimber. Voilà ce qui m’étonne !
Jusqu’au repas d’adieux, il s’était réservé. Certes, on le pourchassait,
mais il savait s’esquiver. Maintenant, il n’en est plus question, c’est que le
temps est proche, que l’heure est arrivée. Le moment est venu de se laisser
livrer aux délires des pécheurs.
N’être
plus rien d’autre que ce que veulent les autres sans perdre pour autant sa
propre identité ? En effet, Jésus se laisse faire, mais il sait qui il
est. Mais pour être tout lui-même, doit-il en même temps s’en aller jusque là,
jusqu’à se laisser livrer ? Ils
veulent l’arrêter. Chefs et prêtres l’ont ainsi décidé. Pourquoi ? Ils
peinent à trouver le motif. Depuis que Judas leur a livré Jésus pour trente
pièces d’argent, il cherche sur quoi le condamner. Quoiqu’il en soit, il est
entre leurs mains. Il n’en sortira pas, du moins pas physiquement. Mais en le
condamnant, n’est-ce pas plutôt eux qui se ferment à la vie ? Il est là
devant eux. Que vont-ils lui trouver ? Ah voici : qu’il est selon ses
dires, le Christ, le Fils de Dieu. Enfin un bon motif puisqu’il a
blasphémé…(Matthieu 26, 65)
Judas
vient de comprendre. Celui qu’il a livré, il le sait innocent. Avant de
disparaître, il en fait part à ses commanditaires. (Matthieu 27, 3) mais rien
n’y fait, Jésus sera livré. Pilate le reçoit (Matthieu 27, 2) Il prend donc
livraison du condamné à mort, lâché par tous les siens et qui se laisse livrer
non sans avoir évoqué déjà auparavant la possibilité d’éloigner cette coupe.
(Matthieu 26, 39 et 26, 42) Mais maintenant, au point où il en est dans se «
laisser livrer », son seul attachement : La volonté du Père ! Il
avance ainsi, conscient de ce qu’il est, condamné faussement, mais se voulant
accordé à la volonté du Père, qui se tait.
Livré…Voilà
le maître mot…
Car
Dieu se tait. Dieu ne l’a pas délivré !
Suis-je
vraiment disciple de cet homme (mon Dieu !) livré ?
Est-ce
le seul chemin qui engendre l’amour ?
Livré
comme le Christ, nous est-il proposé ?
Et
comment concilier être pleinement soi et dégagé de soi ?
Autrement
dit : Livré !
P. Christian Blanc, assomptionniste « pour la Croix, Croire »