Au début de son évangile Saint Jean nous
dit dans le prologue: “Le Verbe était la lumière véritable qui éclaire tout
homme; il venait dans le monde. Il était dans le monde, et le monde fut par
lui, et le monde ne l’a pas reconnu”...
...Jésus vit un homme qui n’a pas de nom, qui ne demande rien et
qui était aveugle depuis sa naissance. Dieu ne passe pas outre la misère de ses
enfants: ”J’ai vu, oui j’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris;
je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer, dit Dieu à Moise
dans le livre de l'Exode. Nous sommes bien la seule religion qui ose prétendre
que ce n’est pas l’homme qui cherche Dieu, mais Dieu qui inlassablement vient à
la recherche de l’homme qui erre en exil loin de sa Terre Promise. Impossible
d’imputer à ce malheureux aveugle la responsabilité de sa maladie: elle est de
naissance. Cet homme ne fait que manifester dans sa chair l’état de cécité de
notre humanité tout entière depuis qu’elle est privée de la grâce divine. En
voyant l’aveugle, Jésus reconnaît pourtant celui en qui l’œuvre de Dieu devait
se manifester.
Quelle est cette œuvre de Dieu, cette œuvre du Père? Dans le
discours du pain de Vie, Jésus nous donne la réponse: “L’œuvre de Dieu, c’est
que vous croyiez en Celui qu’il a envoyé”. Son œuvre est de nous éclairer de la
lumière de la foi. L’œuvre que Jésus réalise, et à laquelle il associe ses
disciples quand il dit: “il nous faut réaliser”, c'est de manifester l’action
de Dieu et révéler ainsi sa bienveillance paternelle envers les hommes. C’est
bien le même Père qui aux origines façonna l’homme avec la glaise prise du sol,
qui maintenant avec la salive et les mains de son Fils, fait de la boue
qu’il applique sur les yeux de l’aveugle. Autrement dit, en guérissant
l’aveugle-né, Jésus pose un acte de révélation de sa vraie nature, il est
l’Envoyé du Père, venu libérer les hommes de la nuit du péché et faire briller
sur eux la lumière de Dieu.
Lors de la fête des Tentes, on lavait l’autel du
Temple avec de l’eau de Siloé pour signifier la purification du peuple et
obtenir de Dieu la fécondité des terres. En demandant à l’aveugle-né de s’y
laver: ”Va te laver à la piscine de Siloé”, Jésus l’introduit dans une vie
nouvelle qui va se révéler féconde pour cet homme. Et soulignant la
signification du nom de la source, Siloé, c’est-à-dire l'“Envoyé”, saint Jean affirme
que par cette eau, d’une part, Jésus se révèle comme l”Envoyé” du Père, et,
d’autre part, l’aveugle est constitué “envoyé” de Jésus, témoin fidèle de celui
qui l’a guéri... ...Plongé avec le Christ dans
les ténèbres de la mort, enseveli avec lui en terre, l’aveugle va être illuminé
par l’Esprit, qui l’introduira dans la vie même du Christ ressuscité.
Le
contraste est impressionnant: celui qui ne voit pas au commencement croit en
Jésus, et ceux qui voient ne croient pas. C’est tout un chemin de foi que
parcourt l’aveugle et il est nous donné comme exemple et modèle. L’aveugle-né,
en effet croit immédiatement à la parole de Jésus, avant même d’être guéri. Il
connaît le nom de Jésus, mais ne sait rien de plus. Il lui faut passer de la
lumière des yeux à la lumière de la foi. Autour de lui, la division apparaît et
s’installe.
Peut-être, pour l’aveugle comme pour nous, la foi doit-elle encore
être éprouvée par la contradiction, purifiée par l’épreuve, fortifiée par le
témoignage, jusqu’à ce qu’enfin le Seigneur se révèle dans une seconde
rencontre qui nous conduise, lui comme nous, à choisir résolument et
définitivement Jésus comme notre Seigneur et Sauveur adoré. “Je crois
Seigneur”, et il se prosterne devant la divinité du Fils de Dieu. La guérison
de l’aveugle-né l’a conduit à la plénitude de la foi en Jésus. L’ancien aveugle
est ainsi la figure de l’illumination baptismale dans laquelle nous recevons
Jésus, lumière du monde, qui vient conduire chaque homme vers le Père.
Au commencement
de notre évangile Jésus a dit: ”Il nous faut réaliser l’œuvre de Dieu”. Nous
qui sommes devenus par le baptême “enfants de lumière”, nous devons transmettre
aux autres cette lumière de la foi par le témoignage de notre vie...
P. Philippe
Vanderheyden Monastère de Chevetogne