Dieu sur
terre, Dieu parmi les hommes ! Ce n'est plus celui qui donne sa loi au milieu
des éclairs, au son de la trompette sur la montagne fumante, au sein de
l'obscurité d'un orage terrifiant, mais celui qui s'entretient avec douceur et
bonté dans un corps humain avec ses frères de race. Dieu dans la chair ! Ce
n'est plus celui qui n'agit que par moments, comme chez les prophètes, mais
celui qui assume pleinement la nature humaine et, par sa chair qui est celle de
notre race, élève à lui toute l'humanité.
Comment
donc, diras-tu, la lumière est-elle venue en tous par un seul ? De quelle
manière la divinité est dans la chair ? Comme le feu dans le fer : non pas en
se déplaçant, mais en se communiquant. Le feu en effet ne s'élance pas vers le
fer, mais demeurant à sa place, il lui communique sa propre force. En cela il
n'est nullement diminué mais il remplit entièrement le fer auquel il se
communique. De la même manière, Dieu, le Verbe, qui a demeuré parmi nous (Jn
1,14), n'est pas sorti hors de lui-même ; le Verbe qui s'est fait chair ne fut
pas soumis au changement ; le ciel ne fut pas privé de celui qui le contenait
et la terre accueillit en son propre sein celui qui est dans les cieux...
Pénètre-toi
de ce mystère : Dieu est venu dans la chair afin de tuer la mort qui s'y cache.
De même en effet que les remèdes et les médicaments triomphent des facteurs de
corruption lorsqu'ils sont assimilés par le corps, et de même que l'obscurité
qui règne dans une maison est dissipée par l'entrée de la lumière, ainsi la
mort qui tenait en son pouvoir la nature humaine fut anéantie par l'avènement
de la divinité. De même que dans l'eau la glace l'emporte sur l'élément liquide
tant qu'il fait nuit et que s'étend l'obscurité, mais se dissout quand vient le
soleil, sous la chaleur de ses rayons : ainsi la mort a régné jusqu'à
l'avènement du Christ, mais lorsqu'apparut la grâce salvatrice de Dieu et que
s'est levé le Soleil de justice, la mort fut engloutie en cette victoire (cf 1
Cor. 15,54), n'ayant pu supporter le séjour de la vraie vie. O profondeur de la
bonté de Dieu et de son amour pour les hommes ! (cf. Rom. 11,33 ; Tite 3,4)...
Rendons gloire avec les bergers, dansons en choeur
avec les anges, car un sauveur est né aujourd'hui, qui est le Christ Seigneur
(Lc 2,11). Il est le Seigneur qui nous est apparu, non dans sa condition
divine, afin de ne pas épouvanter notre faiblesse, mais dans la condition d'un
esclave (cf. Phil. 2,6-7), afin de libérer ce qui était réduit en servitude.
Qui aurait le coeur assez lâche et ingrat pour ne pas se réjouir et exulter d'allégresse
devant ce qui nous arrive ? C'est une fête commune à toute la création... Nous
aussi, crions notre joie ; donnons à notre fête le nom de théophanie. Fêtons le
salut du monde, le jour de la naissance de l'humanité. Aujourd'hui la condamnation
d'Adam est levée. On ne dira plus : Tu es terre et tu retourneras à la terre
(Gen. 3,19), mais : "Uni à celui qui est dans les cieux, tu seras élevé au
ciel ".
St Basile