dimanche 24 décembre 2017

Homélie pour la naissance du Sauveur St Basile le Grd

Dieu sur terre, Dieu parmi les hommes ! Ce n'est plus celui qui donne sa loi au milieu des éclairs, au son de la trompette sur la montagne fumante, au sein de l'obscurité d'un orage terrifiant, mais celui qui s'entretient avec douceur et bonté dans un corps humain avec ses frères de race. Dieu dans la chair ! Ce n'est plus celui qui n'agit que par moments, comme chez les prophètes, mais celui qui assume pleinement la nature humaine et, par sa chair qui est celle de notre race, élève à lui toute l'humanité.
Comment donc, diras-tu, la lumière est-elle venue en tous par un seul ? De quelle manière la divinité est dans la chair ? Comme le feu dans le fer : non pas en se déplaçant, mais en se communiquant. Le feu en effet ne s'élance pas vers le fer, mais demeurant à sa place, il lui communique sa propre force. En cela il n'est nullement diminué mais il remplit entièrement le fer auquel il se communique. De la même manière, Dieu, le Verbe, qui a demeuré parmi nous (Jn 1,14), n'est pas sorti hors de lui-même ; le Verbe qui s'est fait chair ne fut pas soumis au changement ; le ciel ne fut pas privé de celui qui le contenait et la terre accueillit en son propre sein celui qui est dans les cieux...

Pénètre-toi de ce mystère : Dieu est venu dans la chair afin de tuer la mort qui s'y cache. De même en effet que les remèdes et les médicaments triomphent des facteurs de corruption lorsqu'ils sont assimilés par le corps, et de même que l'obscurité qui règne dans une maison est dissipée par l'entrée de la lumière, ainsi la mort qui tenait en son pouvoir la nature humaine fut anéantie par l'avènement de la divinité. De même que dans l'eau la glace l'emporte sur l'élément liquide tant qu'il fait nuit et que s'étend l'obscurité, mais se dissout quand vient le soleil, sous la chaleur de ses rayons : ainsi la mort a régné jusqu'à l'avènement du Christ, mais lorsqu'apparut la grâce salvatrice de Dieu et que s'est levé le Soleil de justice, la mort fut engloutie en cette victoire (cf 1 Cor. 15,54), n'ayant pu supporter le séjour de la vraie vie. O profondeur de la bonté de Dieu et de son amour pour les hommes ! (cf. Rom. 11,33 ; Tite 3,4)...

Rendons gloire avec les bergers, dansons en choeur avec les anges, car un sauveur est né aujourd'hui, qui est le Christ Seigneur (Lc 2,11). Il est le Seigneur qui nous est apparu, non dans sa condition divine, afin de ne pas épouvanter notre faiblesse, mais dans la condition d'un esclave (cf. Phil. 2,6-7), afin de libérer ce qui était réduit en servitude. Qui aurait le coeur assez lâche et ingrat pour ne pas se réjouir et exulter d'allégresse devant ce qui nous arrive ? C'est une fête commune à toute la création... Nous aussi, crions notre joie ; donnons à notre fête le nom de théophanie. Fêtons le salut du monde, le jour de la naissance de l'humanité. Aujourd'hui la condamnation d'Adam est levée. On ne dira plus : Tu es terre et tu retourneras à la terre (Gen. 3,19), mais : "Uni à celui qui est dans les cieux, tu seras élevé au ciel ".
 St Basile

dimanche 17 décembre 2017

Pas étonnant, dit Dieu

Pas étonnant, dit Dieu.

que notre histoire soit tissée de rendez-vous manqués !
Vous m'attendez dans la toute-puissance,

et je vous espère dans la fragilité d'une naissance !
Vous me cherchez dans les étoiles du ciel,

et je vous rencontre dans les visages qui peuplent la terre !
Vous me rangez au vestiaire des idées reçues

et je viens à vous dans la fraîcheur de la grâce !
Vous me voulez comme une réponse,

et je me tiens dans le bruissement de vos questions !
Vous m'espérez comme un pain

et je creuse en vous la faim !
Vous me façonnez à votre image,

et je vous surprends dans le dénuement d'un regard d'enfant !
Mais, dit Dieu, sous le pavé de vos errances,

un Avent de tendresse se prépare,
où je vous attends comme la nuit attend le jour.



 Francine Carillo

mardi 12 décembre 2017

St Macaire le Grand : par la prière, veiller dans l’attente de Dieu...

Il ne faut pour prier ni gestes, ni cris, ni silence, ni agenouillements. Notre prière, à la fois sage et fervente, doit être attente de Dieu, jusqu’à ce que Dieu vienne et visite notre âme par toutes ses voies d’accès, tous ses sentiers, tous ses sens. Trêve de nos silences, de nos gémissements et de nos sanglots : ne cherchons dans la prière que l’étreinte de Dieu.
 Dans le travail, n’employons-nous pas tout notre corps à l’effort ? Tous nos membres n’y collaborent-ils pas ? Que notre âme elle aussi se consacre tout entière à sa prière et à l’amour du Seigneur ; qu’elle ne se laisse pas distraire ni tirailler par ses pensées ; qu’elle se fasse pleine attente du Christ. Alors le Christ l’illuminera, il lui enseignera la prière véritable, il lui donnera la supplique pure et spirituelle qui est selon Dieu, l’adoration « en esprit et en vérité » (Jn 4,24).
 Celui qui exerce un commerce ne cherche pas simplement à réaliser un gain. Il s’efforce aussi par tous les moyens de le grossir et de l’accroître. Il entreprend de nouveaux voyages et renonce à ceux qui lui semblent sans profit ; il ne part qu’avec l’espérance d’une affaire. Comme lui, sachons conduire notre âme sur les voies les plus diverses et les plus opportunes, et nous acquerrons, ô gain suprême et véritable, ce Dieu qui nous apprend à prier dans la vérité.
 Le Seigneur se pose dans une âme fervente, il en fait son trône de gloire, il s’y assied et y demeure.
Saint Macaire le Grand (IVe siècle)

Homélies spirituelles, n° 33

dimanche 3 décembre 2017

Avent 2017

Il y avait là un jeune Anglais catholique qui m'a donné pour la première fois l'idée d'une vertu surnaturelle des sacrements, par l'éclat véritablement angélique dont il paraissait avoir été revêtu après avoir communié. Le hasard -car j'aime toujours mieux dire hasard que Providence- a fait de lui, pour moi, vraiment un messager. Car il m'a fait connaître l'existence de ces poètes anglais du XVIIème siècle qu'on nomme métaphysiques. Plus tard en les lisant, j'y ai découvert le poème dont je vous ai lu une traduction malheureusement bien insuffisante, celui qui est intitulé Amour (*). Je l'ai appris par cœur. Souvent, au moment culminant des crises violentes de maux de tête, je me suis exercée à le réciter en y appliquant toute mon attention et en adhérant de toute mon âme à la tendresse qu'il renferme. Je croyais le réciter seulement comme un beau poème, mais à mon insu cette récitation avait la vertu d'une prière.
C'est au cours d'une de ces récitations que, comme je vous l'ai écrit, le Christ lui-même est descendu et m'a prise.

Voici le texte de ce poème dans une traduction qu'on a bien voulu me faire :


                                                                                                                              Simone Weil, "Attente de Dieu"

* AMOUR

L'Amour m'accueillit ; pourtant mon âme recula
Coupable de poussière et de péché.
Mais l'Amour clairvoyant, me voyant hésiter
Dès ma première entrée,
Se rapprocha, demandant doucement
S'il me manquait quelque chose.

"Un invité, répondis-je, digne d'être ici."
L'Amour dit  : "Tu seras lui."
Moi, le méchant, l'ingrat  ? Ah mon aimé
L'Amour prit ma main et répondit en souriant :
"Qui a fait ces yeux, sinon moi ?

— C'est vrai Seigneur, mais je les ai souillés ; que ma honte aille où elle mérite.
— Et ne sais-tu pas, dit l'Amour, qui a pris sur lui le blâme ?
— Mon aimé, alors je servirai.
— Il faut t'asseoir, dit l'Amour, et goûter à mes mets. "
Ainsi je m'assis et je mangeai.