[...] Nous savons que le Christ doit revenir. Mais
l’attendons-nous ? Ou, mieux, qu’attendons-nous de Lui ? Qu’il résolve nos
problèmes, arrange nos petits et grands tracas ?
Il est vrai que l’attente
d’un hypothétique retour du Christ, sans cesse remis à plus tard, s’est
essoufflée, au point qu’il nous arrive peut-être de douter qu’Il revienne
jamais… Mais peut-être nous trompons-nous quant à son retour. C’est justement
ce que nous apprend la parabole de ce dimanche : le Christ ne cesse de venir,
il ne cesse de venir jusqu’à nous, certes de manière incognito, mais pourtant
tout à fait reconnaissable puisqu’il vient à nous sous la figure de l’homme et
de la femme en détresse. Et il nous indique que la juste manière, non seulement
de l’attendre, mais aussi de le rencontrer, consiste à faire miséricorde à ceux
qui ont en besoin.
C’est ainsi que la parabole
nous détourne de l’attente vaine d’un messie ou d’un sauveur ; le Christ est
venu il y a deux mille ans pour nous apprendre qu’il ne cesse de venir en
s’identifiant à celles et ceux qui manquent de nourriture, d’attention et
d’amour. Il est de coutume de dire que le Christ reviendra à la fin des temps ;
mais cette conception est naïve et, pour tout dire, assez fausse… Le Christ est
précisément venu pour changer la qualité du temps, pour transformer notre
attente en présence à l’autre qui souffre. Le temps du Christ, c’est le temps
offert pour nous rendre attentifs à nos frères et soeurs. Ne perd son temps que
celui qui le gaspille tout en se préoccupant uniquement de lui-même. Certes, ce
temps nouveau de la gratuité échappe à nos logiques marchandes, économiques, à
la fatalité du « time is money » ; la rentabilité qui est maintenant exigée de
tous n’a rien à voir avec la fécondité du temps ouvert à la rencontre.
L’évangile se moque de la rentabilité ; il demande : toute cette fatigue… pour
quoi ? Pour quoi faire ? Pour être qui ?
Ce que je n’ai pas le temps
de faire, c’est souvent une occasion manquée, doublement faut-il préciser : on
perd et le frère et Celui qui s’identifie avec lui : le Christ.
Il est temps, si j’ose dire,
de remettre les pendules à l’heure !
La parabole de ce dimanche
est à entendre comme le testament du Christ : il nous dit quoi faire pour être
contemporains de sa venue maintenant. Il nous ne demande pas de l’attendre mais
de le recevoir dans la personne de celui qui souffre. Ou, s’il convient de
désirer la venue du Christ, son attente n’est pas autre chose que notre
vigilance à le rencontrer tous les jours, lorsque nous acceptons de fendre la
cuirasse de notre égoïsme. Il faut donc le dire avec force : il n’y a pas
d’autre venue du Christ à espérer que celle-là, quotidienne, en quelque sorte
ordinaire…
Cela signifie encore qu’il
faille nous méfier de ce que nous appelons la spiritualité. On entend dire
qu’il a un retour du spirituel. Soit, mais qu’est-ce qu’une spiritualité qui
confinerait au repliement sur soi ? Alors que tout l’évangile nous enjoint à
prendre soin de l’autre… Ceux qui disent : « Quand t’avons-nous vu malade, en
prison… ? » n’étaient pas des êtres durs, mais des personnes pieuses et
vertueuses qui pensaient que Dieu s’identifie avec ceux qui font ce qui est
juste alors que le Christ nous révèle que Dieu s’identifie à ceux qui ont
besoin de miséricorde…
Je termine alors par une
autre histoire qui nous a été transmise par un saint belge, et oui, ça existe
!, le bienheureux Jean Ruysbroeck l’Admirable : « Quand tu serais en extase au
7e ciel, si un malade te demande une tasse de bouillon, descends vite du 7e
ciel et donne-le lui. Car le Dieu que tu trouves dans le malade est plus sûr
que le Dieu que tu viens de quitter dans la prière. »
Alors, aujourd’hui, c’est le
Christ qui nous demande : qu’attendez-vous pour me rencontrer ?
Fr. Dominique Collin
Homélie de la messe du 26 novembre 2017 à Malèves-Sainte-Marie