Rembrandt |
Pour lui, l'autre est toujours plus et mieux que ce à quoi les idées reçues, même des sages et des docteurs de la Loi, tendent à le réduire.
Il voit toujours en celui ou celle qu'il rencontre un lieu d'espérance, une promesse vivante, un extraordinaire possible, un être appelé, par delà ses limites, ses péchés, et parfois ses crimes, à un avenir tout neuf.
Il lui arrive même d'y discerner quelque merveille secrète dont la contemplation le plonge dans l'action de grâce !
Il ne dit pas : "Cette femme est volage, légère, sotte, elle est marquée par l'atavisme moral et religieux de son milieu, ce n'est qu'une femme". Il lui demande un verre d'eau et il engage la conversation.
Il ne dit pas : "Voilà une pécheresse publique, une prostituée à tout jamais enlise dans son vice". Il dit: "Elle a plus de chance pour le Royaume des Cieux que ceux qui tiennent à leurs richesses ou se drapent dans leurs vertus et leur savoir".
Il ne dit pas : "Celle-ci n'est qu'une adultère". Il dit : "Je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus".
Il ne dit pas : "Cette vieille qui met son obole ans le tronc sur les œuvres du Temple est une superstitieuse". Il dit qu'elle est extraordinaire et qu'on ferait bien d'imiter son désintéressement.
Il ne dit pas : "Ces enfants ne sont que des gosses". Il dit : "Laissez-les venir à moi, et tâchez de leur ressembler".
Il ne dit pas : "Cet homme n'est qu'un fonctionnaire véreux qui s'enrichit en flattant le pouvoir et en saignant les pauvres". Il s'invite à sa table et assure que sa maison a reçu le salut.
Il ne dit pas, comme son entourage : "Cet aveugle paie sûrement ses fautes ou celles de ses ancêtres". Il dit que l'on se trompe à son sujet et il stupéfie en montrant avec éclat combien cet homme jouit de la faveur de Dieu : "Il faut que l'action de Dieu soit manifestée en lui".
Il ne dit pas : "Le centurion n'est qu'un occupant". Il dit : "Je n'ai jamais vu pareille foi en Israël".
Il ne dit pas : "Ce savant n'est qu'un intellectuel". Il lui ouvre la voie vers la renaissance spirituelle.
Il ne dit pas : "Cet individu est un hors-la-loi". Il lui dit : "Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis".
Il ne dit pas : "Ce Judas ne sera jamais qu'un traître". Il accepte son baiser et lui dit : "Mon ami".
Jésus n'a jamais dit : "Il n'y a rien de bon dans celui-ci, dans celle-là, dans ce milieu-ci…". De nos jours, il n'aurait jamais dit : "Ce n'est qu'un intégriste, un moderniste, un gauchiste, un fasciste, un mécréant, un bigot". Pour lui, les autres, quels qu'ils soient, quels que soient leur statut, leur réputation, sont toujours des êtres aimés de Dieu. Jamais homme n'a respecté les autres comme cet homme. Il est unique. Il est le Fils unique, de celui qui fait briller le soleil sur les bons et sur les méchants.
Seigneur Jésus, fils de Dieu, aie pitié de nous, pécheurs !
Mgr Albert Decourtray
Rembrant |