Oh
là là ! Quelle question, frères et sœurs ! Le Fils de l’homme, quand il
viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? Question essentielle pour nous, croyants.
Entretenons-nous la foi en nous ? La foi qui est désir de Dieu, qui est
espérance en Dieu.
Père jean Marie Vianney (par Cabuchet) |
Cette foi s’exprime notamment par la prière, une prière
persévérante qui attend tout de Dieu comme cette veuve qui espérait tout de son
juge, inique pourtant ? Il s’agit bien sûr d’une parabole. Dieu n’est pas
inique. Si déjà le juge lui rend justice, à plus forte raison, Dieu qui lui,
nous aime… Certaines paraboles procèdent par un a contrario. Alors que vous
auriez répondu par la violence, Dieu lui répondra par le pardon. D’autres
encore sont une comparaison prise dans la nature ou dans la vie quotidienne des
humains… Ici, il s’agit d’un a fortiori…
Ton
désir, c’est ta prière
Revenons
à la femme. Elle est habitée par un désir fou : que justice lui soit faite,
qu’elle soit rétablie dans son bon droit, son intégrité. La prière est
essentiellement désir. Écoutez donc cette réflexion de saint Augustin : « Ton
désir, voilà ta prière. Si ton désir est continuel, continuelle est ta prière.
Est-ce que nous sommes sans cesse à fléchir le genou, à prosterner notre corps,
à lever nos mains parce que saint Paul a dit “priez sans cesse”?
Si nous
prétendons que c’est là notre manière de prier, j’imagine que nous ne pourrons
la soutenir sans interruption. Mais il y a une autre prière, celle-là
ininterrompue : le désir. Si tu ne veux pas cesser de prier, ne cesse pas de
désirer : ton désir continuel, c’est chez toi comme une voix continuelle. » La
prière est donc l’expression de mon désir. Mais ce désir mérite-t-il d’être adressé
à Dieu ? Il ne faudrait pas que ce ne soient que des caprices, comme parfois
ceux des enfants sciants. De guerre lasse, leurs parents finissent par y
répondre, pour avoir la paix.
Il est important de nous poser la question de la
valeur de notre désir. Que désirons-nous, finalement ? Le mal ou le bien ?
Quelle est l’orientation de notre vie ? Le monde est un perpétuel combat entre
le bien et le mal. Dans quel camp nous situons-nous ? Pour faire allusion à la
première lecture, il s’agit de passer au fil de l’épée tous nos démons, toutes
nos connivences avec le mal. Est-ce bien là notre désir ?
Ce désir, nous savons
à qui nous l’adressons : non pas à un juge inique, mais au Dieu plein de bonté
qui nous a créés pour notre bonheur, en vue de notre plein épanouissement.
Pourrait-il être sourd à ce désir qu’il a mis lui-même en l’homme ?
Croyons-nous que Dieu est bien celui qui est passionné de nous, celui qui, à la
différence de nos titres et diplômes, de nos richesses et nos succès, peut nous
permettre de nous accomplir dans toutes nos dimensions et répondre à nos désirs
les plus vrais ? Avons-nous foi en son amour ? Le Fils de l’homme trouvera-t-il
cette foi-là sur la terre ? Finalement, Dieu exauce-t-il chacune de nos prières
? Oui, mais pas nécessairement de la façon que nous attendions. Quand il pleut,
l’eau pénètre la terre.
Je sais qu’elle va faire son chemin sous terre et
rejaillir quelque part en source, en un lieu que peut-être j’ignore. Ainsi nos
prières. Elles pénètrent le cœur de Dieu et Dieu y répond toujours. Mais
parfois de manière étonnante.
Le
désir de Dieu
St curé d'Ars |
La
prière n’est pas que demande. Elle est aussi louange, action de grâce,
relecture de notre vie sous le regard de Dieu. Elle est peut-être surtout
écoute de Dieu.
Saint Paul invite Timothée à se mettre à l’école des Saintes
Écritures. Dans celles-ci, Dieu exprime son désir, si bien résumé dès les
premières lignes de la Bible : Dieu vit que cela était bon. Cette exclamation
ne sera réalisée qu’à la fin des temps, car le Créateur ne veut pas réussir son
projet sans notre collaboration.
Il y a
des années, je donnais une retraite à des jeunes. L’une d’entre elle confia
quelle avait cessé de croire en Dieu parce qu’elle ne voulait pas être une
mendiante. Je lui ai alors raconté cette parabole du poète hindou Tagore. Il
s’agit d’un mendiant, justement.
Après une journée de mendicité, sur le chemin
du retour, il aperçut au loin un chariot d’or. C’était celui du roi. C’en est
fini des mauvais jours, pensa-t-il. Il tendit la main, le chariot s’arrêta, le
roi en descendit tout souriant. Il lui tendit la main droite et dit : «
Qu’as-tu à me donner ? » Il insistait. Quel humour ! Confus, le mendiant finit
par tirer de sa besace un tout petit grain de blé récolté ce jour-là et le lui
donna. Le soir, vidant son sac, il trouva un tout petit grain d’or parmi le tas
de pauvres grains. « Ah ! si j’avais eu le cœur de te donner mon tout ! »
La
jeune fille fut profondément touchée. Dieu avait besoin d’elle !
Frères et sœurs, et si Dieu avait quelque
chose à nous demander ?
Si la prière, c’était la rencontre de deux désirs, le mien
sans doute, mais aussi le sien ?
Finalement, qui croyez-vous qui est le plus
impatient. Nous ? Ne serait-ce pas Dieu lui-même, désireux que son règne, un
règne d’amour et de justice, advienne sans tarder ?
Quand je demande quelque chose à Dieu, il a toujours
lui aussi quelque chose à demander. En réalité, c’est lui qui attend. La
patience se trouve de son côté. Amen.
P. Charles Delhez
Homélie de la messe du 20
octobre 2019 à Louvain-la-Neuve (Belgique)