Cette semaine, quelqu’un m’a demandé : « Mais à la messe, dois-je être triste ou joyeux ? ». C’est une excellente question. On voit bien qu’elle détermine toute une pastorale : la messe doit-elle être conçue comme une grande fête ? Un repas partagé où tous nous sommes joyeux ? Ou bien au contraire doit-elle être appréhendée avec une certaine austérité, voire gravité, favorisant dans le meilleur des cas de la profondeur ? En lisant quelques textes et notamment ceux de l’évêque de Mende au XVIIe siècle, je répondrai : « les deux ».
En effet, en l’espace de soixante minutes, nous éprouvons des émotions bien différentes et la liturgie nous invite, nous oriente dans nos émotions : nous arrivons en reconnaissant que nous sommes pécheurs. Peut-on être joyeux en reconnaissant au plus profond de son cœur que nous avons manqué d’amour, que nous n’avons pas partagé avec ceux qui ont besoin, que nous avons été médisants, succombant à la critique continuelle des uns et des autres ? Non, notre péché doit nous faire horreur. Que dirait un médecin s’il voyait un malade arriver avec un plaie béante en déclarant : « Mais c’est merveilleux, je saigne, j’ai mal, mais c’est fantastique, ne faites rien, laissez comme cela ! ». Le médecin dirait : « Cette personne ne va pas très bien dans sa tête, elle est blessée, elle saigne, elle a mal, elle a besoin d’être soignée. ». C’est pourquoi, lorsque nous allons chez le médecin avec une plaie béante, saignante, nous pleurons de douleur et nous demandons au médecin de nous soulager. Par analogie, il en est de même au début de la célébration : Notre péché nous fait mal, nous souffrons. C’est pourquoi nous arrivons tristes, le cœur chargé face à cette blancheur immaculée de Dieu représentée ici par une nappe. Oui, c’est pourquoi nous devrions aller même jusqu’à pleurer. Mais nous ne pleurons plus face à notre péché et d’ailleurs tout à l’heure lorsque nous avons chanté « Kyrie Eleison, Christe Eleison », étions-nous dans le chant, les paroles du chant ou dans notre péché ?
Oui, au début de la célébration, nous sommes appelés à être tristes et je crois qu’il est important que nous puissions retrouver cette notion fondamentale en spiritualité, sur laquelle le pape François insiste si souvent : les larmes. « J’ai manqué d’amour, cela me fait pleurer face à la bonté de Dieu. J’ai été médisant, cela me fait pleurer face à la bonté de Dieu ». Certains diront : « Tout cela c’est du sentiment, de la sensiblerie », mais les larmes sont symboliques de l’état de notre cœur. Si nous ne pleurons plus face à notre péché, c’est que nous sommes habitués au péché : « Oh, bien sûr, j’ai été médisant, et bien, j’irai me confesser, le curé me pardonnera. Dieu pardonne toujours, ce n’est pas bien grave ! ».
Si nous souhaitons réellement devenir des saints, et c’est pourquoi nous sommes ici, si nous souhaitons emprunter ce chemin, nous devons avoir horreur de notre péché.
C’est la première partie de la célébration : une tristesse intérieure, une pesanteur. Les Pères n’hésitaient pas à parler, lorsqu’ils abordaient le péché, de graisse spirituelle qui nous appesantit. Mais alors commence le miracle : la Parole de Dieu se donne et cette Parole nous relève, nous élève. Au lieu de regarder le sol du fait de notre péché, nous nous mettons à regarder le ciel avec espérance, parce que la Parole de Dieu est une parole d’amour. Parce que Dieu nous prend dans ses mains, avec une délicatesse infinie. Il prend nos blessures, nos péchés et nous amène plus haut, toujours plus haut. Un peu comme ce lépreux de la première lecture ou les dix lépreux de l’Évangile : « Jésus, Maître, prends pitié de nous », c’est ce qu’ils lui ont crié et alors Jésus les a guéris. Il nous guérit par sa Parole, Il nous guérit par son Eucharistie, par la communion. Alors, de la tristesse nous passons à la joie, parce que, quand nous entendons la Parole de Dieu, il n’y a plus de place à la tristesse, Dieu ne condamne pas, Dieu relève. Lorsque nous communions, nous sommes éblouis intérieurement, illuminés : Dieu se donne à moi ! Mais oui, Dieu se donne à moi parce qu’Il veut que je devienne comme Lui, Il veut que je m’élève, et c’est pourquoi, à la fin de la célébration, nous partons avec cette parole ultime : « Allez dans la paix du Christ ».
Nous sommes passés de la tristesse de notre péché à la joie par la Parole et par l’Eucharistie et nous repartons en paix.
Ainsi, à la messe, nous sommes appelés à passer de la tristesse à la joie et les deux sont fondamentaux. Nous ne pouvons pas seulement durant la messe taper des mains et être dans la joie, ce serait oublier que nous ne sommes pas encore comme Dieu. Nous ne pouvons pas, non plus, avoir des faces de carême durant toute la célébration, cela signifierait que la Parole de Dieu glisse sur nous, que l’Eucharistie glisse sur nous et que nous restons enfoncés dans notre péché, ça en deviendrait pathologique. Oui, à la messe, nous passons de la tristesse à la joie.
Intervient un dernier élément fondamental aujourd’hui, inspiré par la lecture : c’est l’action de grâce. C’est être capable de dire à Dieu : « Mon Dieu, merci. Merci pour tout ce que Tu me donnes », « Oui, j’étais pécheur, oui, je n’ai pas été toujours aimable, et malgré tout, Dieu se donne et m’élève, alors pour ça, je Lui dis merci ».
C’est ce qui se passe dans cette lecture très instructive de l’Évangile : dix lépreux ont été purifiés, ils ont été guéris, mais il n’y en a qu’un seul, en plus un étranger, même pas un juif, qui vient voir le Christ pour lui dire : « Merci », et Celui-ci lui déclare : « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé ». On a l’habitude d’interpréter ce texte en disant que dix lépreux ont été guéris physiquement mais qu’un seul a été sauvé intérieurement parce qu’il a su rendre grâce.
Alors, vous le voyez, une célébration comme la nôtre se termine par un bouquet de fleurs, par un bouquet de joies. Nous repartons réellement illuminés, non pas seulement pour nous-mêmes, mais pour être capables, de par la lumière de nos yeux, de la clarté de nos paroles, d’aider ceux et celles dont nous croiserons la route cette semaine, parce que la joie, le bonheur n’ont de valeur que s’ils sont partagés.
Amen.
En effet, en l’espace de soixante minutes, nous éprouvons des émotions bien différentes et la liturgie nous invite, nous oriente dans nos émotions : nous arrivons en reconnaissant que nous sommes pécheurs. Peut-on être joyeux en reconnaissant au plus profond de son cœur que nous avons manqué d’amour, que nous n’avons pas partagé avec ceux qui ont besoin, que nous avons été médisants, succombant à la critique continuelle des uns et des autres ? Non, notre péché doit nous faire horreur. Que dirait un médecin s’il voyait un malade arriver avec un plaie béante en déclarant : « Mais c’est merveilleux, je saigne, j’ai mal, mais c’est fantastique, ne faites rien, laissez comme cela ! ». Le médecin dirait : « Cette personne ne va pas très bien dans sa tête, elle est blessée, elle saigne, elle a mal, elle a besoin d’être soignée. ». C’est pourquoi, lorsque nous allons chez le médecin avec une plaie béante, saignante, nous pleurons de douleur et nous demandons au médecin de nous soulager. Par analogie, il en est de même au début de la célébration : Notre péché nous fait mal, nous souffrons. C’est pourquoi nous arrivons tristes, le cœur chargé face à cette blancheur immaculée de Dieu représentée ici par une nappe. Oui, c’est pourquoi nous devrions aller même jusqu’à pleurer. Mais nous ne pleurons plus face à notre péché et d’ailleurs tout à l’heure lorsque nous avons chanté « Kyrie Eleison, Christe Eleison », étions-nous dans le chant, les paroles du chant ou dans notre péché ?
Oui, au début de la célébration, nous sommes appelés à être tristes et je crois qu’il est important que nous puissions retrouver cette notion fondamentale en spiritualité, sur laquelle le pape François insiste si souvent : les larmes. « J’ai manqué d’amour, cela me fait pleurer face à la bonté de Dieu. J’ai été médisant, cela me fait pleurer face à la bonté de Dieu ». Certains diront : « Tout cela c’est du sentiment, de la sensiblerie », mais les larmes sont symboliques de l’état de notre cœur. Si nous ne pleurons plus face à notre péché, c’est que nous sommes habitués au péché : « Oh, bien sûr, j’ai été médisant, et bien, j’irai me confesser, le curé me pardonnera. Dieu pardonne toujours, ce n’est pas bien grave ! ».
Si nous souhaitons réellement devenir des saints, et c’est pourquoi nous sommes ici, si nous souhaitons emprunter ce chemin, nous devons avoir horreur de notre péché.
C’est la première partie de la célébration : une tristesse intérieure, une pesanteur. Les Pères n’hésitaient pas à parler, lorsqu’ils abordaient le péché, de graisse spirituelle qui nous appesantit. Mais alors commence le miracle : la Parole de Dieu se donne et cette Parole nous relève, nous élève. Au lieu de regarder le sol du fait de notre péché, nous nous mettons à regarder le ciel avec espérance, parce que la Parole de Dieu est une parole d’amour. Parce que Dieu nous prend dans ses mains, avec une délicatesse infinie. Il prend nos blessures, nos péchés et nous amène plus haut, toujours plus haut. Un peu comme ce lépreux de la première lecture ou les dix lépreux de l’Évangile : « Jésus, Maître, prends pitié de nous », c’est ce qu’ils lui ont crié et alors Jésus les a guéris. Il nous guérit par sa Parole, Il nous guérit par son Eucharistie, par la communion. Alors, de la tristesse nous passons à la joie, parce que, quand nous entendons la Parole de Dieu, il n’y a plus de place à la tristesse, Dieu ne condamne pas, Dieu relève. Lorsque nous communions, nous sommes éblouis intérieurement, illuminés : Dieu se donne à moi ! Mais oui, Dieu se donne à moi parce qu’Il veut que je devienne comme Lui, Il veut que je m’élève, et c’est pourquoi, à la fin de la célébration, nous partons avec cette parole ultime : « Allez dans la paix du Christ ».
Nous sommes passés de la tristesse de notre péché à la joie par la Parole et par l’Eucharistie et nous repartons en paix.
Ainsi, à la messe, nous sommes appelés à passer de la tristesse à la joie et les deux sont fondamentaux. Nous ne pouvons pas seulement durant la messe taper des mains et être dans la joie, ce serait oublier que nous ne sommes pas encore comme Dieu. Nous ne pouvons pas, non plus, avoir des faces de carême durant toute la célébration, cela signifierait que la Parole de Dieu glisse sur nous, que l’Eucharistie glisse sur nous et que nous restons enfoncés dans notre péché, ça en deviendrait pathologique. Oui, à la messe, nous passons de la tristesse à la joie.
Intervient un dernier élément fondamental aujourd’hui, inspiré par la lecture : c’est l’action de grâce. C’est être capable de dire à Dieu : « Mon Dieu, merci. Merci pour tout ce que Tu me donnes », « Oui, j’étais pécheur, oui, je n’ai pas été toujours aimable, et malgré tout, Dieu se donne et m’élève, alors pour ça, je Lui dis merci ».
C’est ce qui se passe dans cette lecture très instructive de l’Évangile : dix lépreux ont été purifiés, ils ont été guéris, mais il n’y en a qu’un seul, en plus un étranger, même pas un juif, qui vient voir le Christ pour lui dire : « Merci », et Celui-ci lui déclare : « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé ». On a l’habitude d’interpréter ce texte en disant que dix lépreux ont été guéris physiquement mais qu’un seul a été sauvé intérieurement parce qu’il a su rendre grâce.
Alors, vous le voyez, une célébration comme la nôtre se termine par un bouquet de fleurs, par un bouquet de joies. Nous repartons réellement illuminés, non pas seulement pour nous-mêmes, mais pour être capables, de par la lumière de nos yeux, de la clarté de nos paroles, d’aider ceux et celles dont nous croiserons la route cette semaine, parce que la joie, le bonheur n’ont de valeur que s’ils sont partagés.
Amen.
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